Contestation politique et critique de la croissance à l'aube des années 1970

Publié le par Itamarandiba

Contestation politique et critique de la croissance à l'aube des années 1970

 

ORIOT Camille

PEDRON Cédric

PERSAIS Clément

ECS1 2009-2010

Lycée Chateaubriand ; Rennes

introduction

De 1950 au milieu des années 1970, l'économie mondiale connait une croissance de 5% par an .Cependant les pays du tiers monde sont peu ou pas concernés par cette croissance .La stabilité monétaire avec le système de Bretton Woods a permis une intensification des échanges internationaux. Les Etats Unis occupe une place prépondérante ce qui implique la diffusion de son modèle fordiste et la diffusion de son modèle de consommation .Les années 1970 sont une période de grands bouleversements au niveau économique, social et politique . .Même si la croissance économique est vue comme un élément essentiel et positif, des critiques se font peu à peu entendre.

Pb: En quoi cette période de forte croissance économique suscite elle des contestations ?

Plan : I) Les éléments de la vie économique, sociale et politique qui posent problème.

     II.          une critique de la croissance par les intellectuels .

   III.          Une critique qui va peu à peu devenir un mouvement de masse .

I)Les éléments de la vie économique, sociale et politique qui posent problème.

Tout d'abord, soulignons que la période qui suit la Seconde Guerre Mondiale jusqu'à l'aube des années 1970 se caractérise par une croissance économique très marquée dans les pays de l'OCDE. En effet, durant les « Trente Glorieuses », s'établit une certaine donne économique propice à l'établissement d'un commerce international considérable entre les pays développés. La croissance de la production mondiale, la baisse des tarifs douaniers d'environ 15% depuis les années 1950, la baisse des coûts de transports, mais aussi une stabilité du Système Monétaire International grâce au système de Bretton Woods permettent une reprise effective du commerce mondial et une réouverture des économies nationales. On assiste également sur cette période à une internationalisation de la production à l'échelle mondiale de par l'apparition et la forte croissance du nombre de Firmes Multi-Nationales et des échanges d'IDE impliquant tout particulièrement les Etats-Unis. Tous ces éléments contribuent à l'augmentation des revenus moyens, un niveau de vie meilleur mais aussi à une modernisation des économies en ce qui concerne les infrastructures ou encore le domaine de l'agriculture. Bien que le cadre économique qui s'établit au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale apparaît comme prospère, certains aspects négatifs témoignent d'un essoufflement et d'une remise en cause de cette croissance.

Le monde occidental connaît au début des années 1970 des taux d'inflation particulièrement élevés dépassant partout les 5% par an. Ceci est le fruit de politiques de facilité, d'une indexation des salaires sur les prix, mais aussi des créations considérables de liquidité aux USA dans l'optique de réduire les déficits commerciaux. L'inflation tend dès lors à remettre en cause le Système de Bretton Woods qui disparaît d'ailleurs en 1976 et révèle ainsi l'essoufflement économique progressif des puissances occidentales. Aussi, l'ouverture des économies évoquée précédemment permet l'émergence de nouveaux concurrents sur la scène économique mondiale, ce qui pousse à une recherche de compétitivité maximale dont les répercussions directes en entreprise relèvent d'une exigence croissante de productivité. Le monde ouvrier voit alors ses conditions de travail se dégrader et la contestation ouvrière se fait de plus en plus sentir. Par ailleurs, le modèle de production Fordiste s'essouffle également et atteint ses limites du fait du passage d'un marché d'équipement à un marché de renouvellement. En outre, la ségrégation sociale et raciale reste permanente dans les sociétés occidentales. En effet, les femmes et les minorités en sont les principales victimes avec des salaires très inférieurs, une intégration très partielle à la vie économique (occupation de postes professionnels pénibles et délaissés par le reste de la population). Une autre caractéristique de la vie quotidienne à l'aube des années 1970 est la généralisation de la société de consommation qui a tendance à universaliser les modes de vie sur le modèle américain et contribue à donner une certaine morosité lassante au quotidien de l'époque. Par ailleurs, la vie économique s'améliore essentiellement au nord. Ainsi au niveau international, les mécanismes qui ont soutenu l'expansion économique des pays développés semble avoir aggravé le retard économique et la pauvreté dans la plupart des régions sous développées. En guise d’exemple, en 30 ans, l'accroissement de la production et des revenus des pays les plus riches a été 70 fois supérieur à celui des plus pauvres.

Tout ces éléments tendent à établir une cadre propice aux contestations, à la révolte et un besoin de changement prend forme dans les esprits des citoyens des pays développés d'autant plus que l'évolution du domaine politique et des choix qui en dépendent sont de plus en plus remis en cause par l'opinion publique. Le modèle gaulliste apparaît progressivement comme dépassé et en décalage avec le temps des années 1970 en France. Aux USA, le conflit au Vietnam est très contesté et d'importantes manifestations telles que celles du 15 Avril 1967 réunissant près de 200 000 personnes dans les rues New York illustrent l'importance du refus de violence et le renouveau réclamé par la population concernant les choix politiques. La génération du Baby Boom voit le monde d'un autre œil que ses prédécesseurs et la mentalité nouvelle qui s'impose dans ce cadre social, économique et politique progressivement contesté vient déstabiliser le système qui s'essoufle et on assiste alors à la naissance de critiques et de contestations de plus en plus virulentes notamment aux Etats Unis.

II)une critique de la croissance par les intellectuels

La croissance est selon les intellectuels responsable de gaspiller les ressources naturelles et surtout d’aliéner les hommes en leur créant des besoins artificiels .En 1968, on demande au club de Rome de faire un rapport sur l’Etat du monde .Les économistes analysent les conséquences d’une poursuite de la croissance. Leurs conclusions publiées dans le rapport Meadows en 1972 intitulé « Halte à la croissance ? » annoncent selon un scénario des plus pessimistes un épuisement des ressources naturelles .Cet épuisement s’accompagnera d’une croissance de la population responsable d’une baisse dramatique de la consommation de nourriture par tête .Finalement, ce rapport va préconiser un arrêt de la croissance ou croissance zéro. Face à la croissance de la consommation, les organisations de consommateurs se sont multipliées .En collaboration avec les pouvoirs publics, elles tentent de trouver un équilibre entre les intérêts des producteurs et ceux des consommateurs.

Des écrivains comme Jack Kerouac ou des philosophes comme Herbert Marcuse ont inspiré le mouvement hippie grand symbole de cette période de contestation aux Etats Unis .Concernant Kerouac, son œuvre Sur la route fut l’un des romans fondateurs de ce qu’il nomma lui-même la beat generation , mouvement artistique et littéraire né dans les années 50.La beat generation ,mode de vie de la jeunesse des années 1960 a ébranlé la société américaine dans ces certitudes . Elle a directement inspiré aussi bien les mouvements de mai 1968 que l’opposition à la guerre du Vietnam, ou les hippies de Berkeley et Woodstock. Depuis les grandes universités américaines de la côte Ouest où il enseigne, le philosophe Herbert Marcuse dénonce dans ses ouvrages (notamment L’homme unidimensionnel en 1964) la société de consommation qui aliène l’individu d’abord manipulé par les médias puis en créant des besoins artificiels conduisant à une uniformisation des modes de vie .Pour échapper à ce type de société, l’homme doit faire la révolution par un retour à la nature et une libération socio-économique .Les idées de ce philosophe vont être en grande partie reprises pour donner naissance au mouvement hippie qui rejette les normes admises. En France, des intellectuels comme Sartre dénoncent dans leurs écrits tout le côté négatif du nouveau mode de vie.

Par ailleurs, le partage inégal des fruits de la croissance attise les revendications des pays pauvres .Ainsi les dirigeants politiques des pays du Sud demandent des relations économiques internationales plus équitable .En 1960 est créé l'OPEP pour contester aux grandes compagnies anglo-saxonnes les profits réalisés sur les marchés pétroliers .On crée aussi la CNUCED en 1964 pour discuter sur l'aide au Tiers-Monde .Une critique par les marxistes: Le sous développement dans les pays du sud est le résultat de la croissance économique au nord .On dénonce une croissance économique qui ne profite pas à tout le monde .Ainsi, la croissance économique au nord ne peut avoir lieu sans une exploitation des populations des pays du sud .Certains intellectuels (dont les tiers-mondistes) veulent donc ouvertement revoir ce modèle créateur d'inégalités.

III)Une critique qui va peu à peu devenir un mouvement de masse

Les idées exprimées par les intellectuels touchent de plus en plus la population .Leurs revendications vont alors prendre forme sur le terrain par des mouvements de masse .Les revendications sont souvent les mêmes :critique de la société de consommation, de l'uniformisation des modes de vie ,du modèle productiviste qui au nom d'une production toujours plus forte exploite les individus ,critique d’une inégalité de répartition des bénéfices de la croissance ….

·        Contestations pacifiques

La jeunesse du baby-boom joue un rôle majeur dans la contestation de masse et tente de rompre complètement avec le monde conformiste des adultes. Le courant Beat Génération va donner naissance au mouvement hippie (du mot hip qui signifie non conformiste). Ce dernier apparaît vers 1963 dans le riche Etat de Californie. Rejetant les valeurs productivistes de la société américaine, les hippies cherchent à se distinguer du monde qui les entoure par leur style de vie, leur refus de la guerre, une adhésion à certaines formes de religiosité originaires d'Inde, leur apparence physique (cheveux longs, vêtements de couleurs,...), et l'usage systématique de drogues comme moyen de « fuite ». Les hippies se réunissent dans leur passion pour le folk et la pop musique. Ils vont ainsi offrir à la jeunesse du monde, conviée à de grands rassemblements pacifiques tels que Woodstock en 1968, un nouveau modèle. De plus le rock, apparu dans les années 1950, connait son essor pendant cette période de contestation, popularisé par des chanteurs comme Elvis Presley mais également John Lennon, Jimi Hendrix, Bob Dylan ou encore Janis Joplin. En outre, cette contestation s'étend au domaine de l'art où des artistes tels qu'Andy Warhol dénoncent clairement leur rejet de la société de consommation.

On assiste de plus à une révolte étudiante qui prend sa source dans les grandes universités de la côte Ouest : Berkeley ou San Diego. Le mouvement s’appuie sur les idées d’ Hebert Marcuse enseignant la philosophie et s'inspirant à la fois de la pensée marxiste et des idées de Freud .Cette contestation prend un caractère nettement politique dans la lutte contre l'engagement au Vietnam.

A cause de la discrimination dont ils sont victimes les minorités noires se révoltent également aux Etats-Unis. En effet, ils doivent faire face à une discrimination sociale (la moitié des familles noires n'atteignent pas un salaire de plus de 3000$/an, ce qui représente moins de la moitié du revenu annuel d'une famille blanche) et à une ségrégation spatiale (développement des ghettos). Cette contestation est menée par des personnes comme Rosa Parks qui refusa de céder sa place de bus à un Blanc, ou encore Martin Luther King qui lutte pour l'égalité des droits civiques et prononce, lors de la marche sur Washington en 1963, son fameux discours « I have a dream ».

Ces revendications aboutissent, aux Etats-Unis sur l'égalité des droits civiques entre Blancs et Noirs (1963 : Civil Right Act) et sur le droit de vote pour les populations noires (1965: Voting Right Act).

Cette contestation antiproductiviste se diffuse au reste du mode et débouche sur une remise en cause du modèle de croissance des années 1970, notamment dans le domaine des mœurs. Elle touche surtout l'Europe du Nord et de l'Ouest qui est en pleine mutation économique.

·       Des contestations plus violentes pouvant même aller jusqu’au terrorisme.

La crise de mai 1968 en France :

Au départ le mouvement ne se caractérise pas particulièrement par des actes de violence. C’est d’abord une crise de société qui va même menacer le régime politique français arrivé à bout de souffle dès 1965.La crise française illustre bien une crise des sociétés industrielles à l’âge de la croissance. Le mouvement étudiant débute à Nanterre, une ville où le contraste entre les riches et les pauvres est flagrant puisque des bâtiments neufs ont été bâtis au milieu d’un bidonville. Le mouvement est mené par un jeune étudiant Daniel Cohn Bendit .Le soulèvement étudiant prône une justice sociale, une lutte contre la société capitaliste dont la croissance économique ne fait qu’accroitre les injustices. L’université est le point de départ pour une révolution plus globale qui mettra à terre la société capitaliste. Le mouvement devient peu à peu violent avec des affrontements entre la police et les étudiants .Dans ces émeutes, on érige des barrages, des véhicules sont incendiés, des manifestants sont blessés .Un climat révolutionnaire s’est installé en France .Le mouvement s’étendra au milieu ouvrier avec son lot de revendications pour une amélioration des conditions de travail .Finalement, les accords de Grenelle concèderont aux ouvriers une augmentation de salaire et une réduction du temps de travail .Mais De Gaulle ,alors au pouvoir, ne sera jamais parvenu à comprendre les revendications des étudiants .Il va ainsi perdre une partie de sa crédibilité en tant que président .Après avoir été désavoué lors d’un référendum, De Gaulle donnera sa démission en 1969.Donc, les contestations venues des étudiants ont pris progressivement des formes violentes mais elles ont abouti à quelques avancées et bouleversements politiques.

En Allemagne de l’ouest à partir de 1965, des contestations sont apparues suite à un manque de réformes économiques et sociales. L’extrême droite va en profiter pour étendre son influence alors que dans le même temps le terrorisme urbain se développe par la bande à Bader.

En Italie, la forte croissance économique (on parle de miracle italien) ne touche pas l’ensemble du pays. Ainsi le sud du pays, le Mezzogiorno, est en retard .Dans ce contexte , les premières revendications apparaissent à la fin des années 60.Des grèves ont lieu dans un climat politique agité (le Mai rampant italien). Mais le malaise politique doublé d’une crise sociale va conduire à de violents attentats à Rome et à Milan menés par les brigades rouges (des partis extrémistes).

Donc dans les pays développés, la croissance économique est critiquée en tant que facteur multiplicateur des inégalités d’autant que l’on commence à prendre conscience des premiers effets de la croissance économique sur l’environnement .Ainsi au début des années 60 des ONG écologiques tel que Greenpeace montent en puissance.

Conclusion :

Du fait des dérèglements dont elle est victime, la croissance des années 1960-1970 doit faire face à de nombreuses critiques autant sur le plan social, politique, qu'économique. Ces nombreuses revendications ont de forts impacts dans les sociétés occidentales, comme en France où les manifestations de Mai 1968 ont changé les esprits et permis à la jeunesse de profiter d'un gouvernement moins conformiste et plus à son écoute.

Finalement la crise touche les pays de l'OCDE qui connaissent une forte instabilité économique (fin du système de Bretton Woods en 1976 à Kingston en Jamaïque, stagflation, chocs pétroliers,...).

De plus on prend pour la première fois conscience des impacts que cette croissance fordiste a sur l'environnement, on tente donc d'y remédier, d'y apporter des solutions comme a tenté de le faire le Club de Rome avec le rapport Meadows qui propose la croissance zéro.

 

Publié dans Fiches de colle

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